24 juillet 2013

Les Oubliés de Saint-Paul

Les Oubliés de Saint-Paul

L'histoire commence en 1893. Cette année-là, la France se décide à réaffirmer sa souveraineté sur les îles Kerguelen et les voisines Saint-Paul et Amsterdam.
L'usine de l'île Saint-Paul
Elles ont été oubliées pendant des décennies, suscitant la convoitise des Anglais ou des Australiens. Pêche, chasse à la baleine, voire agriculture : il se raconte que, finalement, ces terres ont un potentiel.
La même année, les frères Henry et René Bossière, fils d'un armateur baleinier du Havre, obtiennent la concession des îles Kerguelen. Tous les espoirs sont permis sur cette vaste terre déserte : l'installation d'un pénitencier ou l'élevage de moutons.


Plus tard, les frères Bossière obtiendront l'extension de leur concession aux îles de Saint-Paul et Amsterdam, distantes de 1.500 km. C'est que ces deux cailloux volcaniques, s'ils n'encouragent guère une implantation humaine faute notamment de points d'eau, disposent de richesses maritimes : langoustes et poissons abondent sur l'étroit plateau marin qui les ceinture.




http://www.letelegramme.fr/ig/dossiers/kerguelen/1930-le-drame-de-saint-paul-30-12-2008-184760.php

Pierre Presse recrute vingt-huit marins de la région de Concarneau attirés par l'aventure et les promesses de gains.
L'Austral quitte Le Havre le 4 septembre 1928. Il mettra quarante-neuf jours pour atteindre Saint-Paul. Il doit y déposer une équipe avec le matériel de construction d'une conserverie pour conditionner les queues de langoustes. Elle est bâtie sur la mince plate-forme à peu près plate qui ferme le cratère.
La réputation de l'île n'est pas usurpée. Certains jours 20.000 langoustes sont remontées dans les casiers.


Les langoustes sont chargées à la pelle avant d'être ébouillantées

En octobre 1929, l'usine, fermée depuis le printemps, est rouverte. La frénésie de la pêche reprend. Une centaine de personnes s'affairent sur la petite bande de terre. On appâte les langoustes avec des manchots. En février 1930, la deuxième campagne d'été s'achève.




Des conserves de viande

C'est alors que six Bretons et un Malgache acceptent de rester pour entretenir les installations jusqu'à la campagne suivante qui débutera en octobre. Il y a Victor et Louise Brunou qui est enceinte, Emmanuel Puloc'h, Julien Le Huludut, Pierre Quillivic, Louis Herlédan et François Ramamonzi.
Début mars, ils sont seuls avec un stock de conserves de viande comme provision. La solitude est terrible. Quelques semaines après le départ du bateau, la petite Paule naît dans cet univers sinistre. Elle survivra deux mois. Elle n'aura pas de fleurs sur sa tombe. 

Ouvriers malgaches

Les jours passent. Le bateau ravitailleur promis à la fin du printemps ne passe pas. Coincés sur leur langue de terre battue par les tempêtes d'hiver, les gardiens de Saint-Paul se désespèrent. Et puis, Emmanuel Puloc'h tombe malade. Ses chevilles sont gonflées, violacées.
Le mal s'étend. Ses collègues de misère arrivent à identifier le scorbut. La seule façon d'y échapper est de consommer des fruits et légumes frais. Mais il n'y en a pas sur l'île, où rien ne pousse. Fin juillet le malade meurt après plusieurs semaines d'agonie.






La relève est retardée
L'Usine et les canots servant à la pêche

Le malheur est sur l'île abandonnée. « Dans cette île où il n'y a rien, il y a un cimetière », écrit Louis Herlédan dans son journal. François Ramamonzi tombe aussi malade. Il meurt à la fin août, puis Victor Brunou se plaint des mêmes enflures aux jambes. Il part début septembre. Louise est aussi malade. Les survivants décident alors de manger seulement des oeufs et du poisson frais, ce qui les sauvera. Fin octobre, un nouveau drame arrive : Pierre Quillivic, parti en mer à bord d'un petit canot, ne revient pas.
L'été austral arrive et toujours aucune nouvelle de l'extérieur. En France, on est loin de se douter du sort des Bretons. Des changements au sein de la société des Bossière retardent la relève. On a un peu oublié les marins, pas la langouste, car une nouvelle campagne ambitieuse se prépare.



Trois survivants

Ce n'est que le 6 décembre que les « oubliés» seront secourus. Courant décembre, la nouvelle des décès arrive en métropole. C'est le scandale. Le quotidien l'Humanité déclenchera une campagne anticolonialiste contre les Bossière et «les esclaves de l'île de la mort».
L'histoire ne s'arrête pas là. Car le bateau qui arrive devant Saint-Paul, ce mois de décembre 1930, apporte un nouveau contingent d'une centaine de Malgaches et de vingt-deux Bretons, dont Prosper Yan de Concarneau, qui sera contremaître de la conserverie, son épouse Marie et leur petite fille.
Louis Herlédan repart avec le bateau mais, bizarrement, Julien Le Huludut et Louise Brunou décident d'effectuer la campagne d'été jusqu'en mars 1931. La survivante retrouve même son autre fille Maria, cinq ans, envoyée par la famille, ignorante du drame, rejoindre ses parents.


Devoir de Mémoire






Dominique Virlouvet refuse que le nom de Julien Le Huludut, l'un des rescapés de l'île Saint-Paul, tombe dans l'oubli. Elle a entrepris une action auprès de la ville pour valoriser la tombe de son grand-oncle.



Ile Saint-Paul photo JM Bergougniou


photo JM Bergougniou


le rocher quille photo JM Bergougniou

«Ce que Julien Le Huludut a vécu là-bas fait partie de l'histoire de Concarneau». C'est avec beaucoup de passion que Dominique Virlouvet évoque l'histoire de son grand-oncle. Bien que ne l'ayant que peu connu de son vivant, elle sait tout de lui et son regard traduit une véritable admiration pour ce Concarnois qui fut l'un des acteurs du drame des oubliés de Saint-Paul.

  C'est le renouvellement de la concession de la tombe de Julien Le Huludut, à Concarneau qui a été le signe déclencheur. 

"En souvenir de Louise et Victor Brunou,Paule,Emmanuel Pulloc'h,François Ramamonzi,Julien Le Huludut,Louis Herlédan,Pierre Qullivic et de tous les Malgaches dont les noms ne seront probablement jamais connus...Nous ne les"Oublierons pas"Une deuxième fois...."









Carte marine de l'île Saint-Paul, volcan dont le cratère est effondré photo JM Bergougniou
Les logements des Bretons

Vue aérienne de l'île Saint-Paul avec à gauche le Marion Dufresne, la quille et l'entrée de la caldeira photo JM Bergougniou
Albatros photo JM Bergougniou


Albatros photo JM Bergougniou

L'entrée du cratère photo JM Bergougniou


A gauche la cabane des scientifiques, à droite les restes de l'usine


Les ruines de l'usine




l'entrée du cratère


vue plongeante sur les ruine




Albatros photo JM Bergougniou


le cratère, la quille et le Marion Dufresne photo JM Bergougniou
Présentation de l'île Saint-Paul par la documentation française 13 mai 1950





















le cratère et la Roche quille photo JM Bergougniou


Le cratère photo JM Bergougniou


L'entrée du cratère et les pentes abruptes côté mer. La passe apparait bien avec ses deux bras. La petite tâche blanche est la cabane des scientifiques  photo JM Bergougniou

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